GIDE (André).
Saül. Drame en cinq actes.
Paris Mercure de France 1903
petit in-12, plein maroquin à gros grain vert sapin, dos lisse, bordure intérieure de même maroquin encadrée d'un quadruple filet doré, double filet doré sur les coupes, coiffes guillochées, tête dorée, couverture bleu conservée, non rogné, étui bordé (M. Albinhac), 206 pp.Édition originale [Naville 48]. Tirage unique à 120 exemplaires sur vergé d'Arches non justifiés, celui-ci enrichi dun envoi autographe signé à Gabriel Frizeau, daté « Bordeaux, avril 1905 », au moment où Gide, en voyage dans le Sud-Ouest, rencontre ce viticulteur et collectionneur, ancien camarade de classe de Francis Jammes. Comme ce dernier, Frizeau venait de se convertir au catholicisme sous linfluence de Claudel dont les drames mystiques et lardeur avaient eu raison de ses doutes. Ex-libris Exbrayat. Dos légèrement passé sur cette bonne reliure janséniste. Poursuivant sa méthode dinterprétation des Saintes Écritures, Gide relit le Premier Livre de Samuel où Saül, premier roi dIsraël, reçoit la prophétie que son fils Jonathan ne lui succèdera pas. La Bible dit quaprès avoir tué Goliath de sa fronde, David revint victorieux « et Jonathan fit alliance avec David, car il laimait comme son âme ». Mais Gide noue le drame autour dune seconde passion sensuelle que Saül, pris de jalousie, éprouverait à son tour pour David. Abandonné de Dieu et assailli par ses démons, le vieux roi offre alors au jeune homme sa couronne. A la fin de lacte III, au son de la harpe du berger, il met à nu son âme brûlante « qui sélance de mes lèvres vers toi David délicieux » (p. 144).Aventure au long cours, la pièce parut dabord en fragment dans La Revue Blanche en 1898. A Paul Valéry qui sétonnait du rôle assigné à David, Gide répond le 22 octobre 1898 : « David nest là que pour figurer le drame intime quest tout vice : accueillir, aimer ce qui vous nuit. » La pièce ne sera finalement créée quen 1922 au Vieux-Colombier avec Jacques Copeau dans le rôle-titre. Maria Van Rysselberghe a rapporté la réplique de Léautaud aux commentaires dun « grincheux » présent dans la salle : « Il faut vraiment ne pas avoir deux sous de vice, pour ne pas admirer cela. Et puis, savez-vous ce que cest de ne pas avoir deux sous de vice ? Et bien cest être idiot » (Cahiers de la Petite Dame, tome I, p. 133). A Mauriac lui reprochant son interprétation tendancieuse de la Bible, Gide répondra dans une lettre éclairante le 1er juillet 1922 : « 1° Je ne pense pas que lhistoire de Saül se puisse expliquer autrement (...) 2° Je tiens les livres saints, tout comme la mythologie grecque (et plus encore) dune ressource inépuisable, infinie, et appelés à senrichir sans cesse de chaque interprétation quune nouvelle orientation des esprits nous propose. » Gide, qui était si soucieux quon ne le mésinterprète, pouvait aller loin en besogne quand il sagissait des autres !
Taxes incluses.
Frais de port calculés à l'étape de paiement.
Livre disponible à Paris