SARTRE (Jean-Paul). | Manuscrit autographe de la préface à La Promenade du Dimanche, pièce de Georges Michel.

SARTRE (Jean-Paul).

Manuscrit autographe de la préface à La Promenade du Dimanche, pièce de Georges Michel.

3 pages et demie in-4 à l'encre bleue, s.d.[vers 1966]. Manuscrit autographe complet de la préface de Sartre à La Promenade du Dimanche, pièce en deux actes de Georges Michel, composée à la fin de la Guerre d'Algérie, qui met en scène une famille petite bourgeoise dont la promenade dominicale est perturbée par une fusillade. Les dialogues, qui reprennent tous les clichés ordinaires de la vie familiale, inscrivent cette oeuvre dans le registre du théâtre de l'absurde. L'auteur y démasque la violence des rapports humains derrière le conformisme social.Dans sa préface, Sartre se plaît à souligner la dimension "existentialiste" de l'argument, qui s'articule autour du conflit entre Histoire et répétition. "La répétition, ce sont nos petits rites misérables et ce bavardage qui nous assourdit : les lieux communs. (...) Les récitants n'entendent plus le bruit de leur vraie vie, de la mort qui s'approche. Ils n'ont de solidarité qu'en ceci qu'ils s'entraident à passer sous silence la vérité, à cacher hors de nous, en nous, la violence, le malheur, notre misérable condition. Le seul personnage qui connaît encore l'angoisse d'être né, qui s'interroge un peu sur la signification de son existence, c'est un enfant".L'auteur des Mots évoque un souvenir d'enfance : "Nous avons tous été ce môme à cloche pied - "les enfants s'ennuient le Dimanche, le Dimanche les enfants s'ennuient" - qui ne sait que faire de son corps et qui sent ce jour-là, plus amèrement que les autres jours, sa parfaite gratuité. Et nous avons vu, depuis, cinq cents ou mille fois, ces familles grises, endimanchées, le père brutal et peureux, pompeux et grossier, content de soi et honteux ; la mère aigre raisonneuse, disputant et cédant toujours, glisser dans les rues sous un ciel pluvieux"."Cette pièce est scandaleuse et forte parce que, puisque la vie s'y résume en une promenade, l'invraisemblable y devient la vérité. Le grand-père meurt, tué par une balle perdue, un service spécial de la voirie fait disparaître le corps en vitesse et les survivants poursuivent la promenade dominicale comme si de rien n'était. Et si l'invraisemblable devient la vérité, du coup c'est la vérité qui nous paraît invraisemblable. C'est invraisemblable et vrai, cette indifférence à la mort des vieux, cet égoïsme, ces mots veules et mille fois répétés qui tombent comme des pelletées de terre sur le cadavre : voilà comment nous sommes dans la vie avec nos morts. Nous le savions, bien sûr : mais ce grossissement savant et réglé nous fait voir, avec un humour noir, cet Autre étrange, inacceptable et scandaleux : nous-mêmes".La Promenade du Dimanche fut créée en 1966 au Studio des Champs-Élysées et publiée chez Gallimard. Elle est aussi parue en allemand et aux États-Unis dans une collection de manuel scolaires pour l'apprentissage du français. C'est la deuxième pièce d'un artisan horloger de Belleville, écrivain autodidacte d'origine prolétarienne dont Sartre avait publié le premier texte dans Les Temps Modernes. L'auteur sera l'un des proches compagnons du philosophe dans les dernières années de sa vie, distribuant notamment avec lui La Cause du Peuple dans les rues.
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